Vendredi 13 : Les chats noirs portent-ils vraiment malheur  ?

1. Aux origines des superstitions : le chat noir dans l’Antiquité

Les chats noirs, avant de devenir des symboles de malédiction, jouissaient d'une place honorable dans plusieurs civilisations anciennes. En particulier, ils ont joué un rôle central dans la mythologie égyptienne.

1.1 Le chat noir, divinité égyptienne ?

Dans l'Égypte antique, le chat, quelle que soit sa couleur, était un animal sacré. Mais les chats noirs, en raison de leur couleur mystérieuse, étaient tout aussi vénérés que leurs congénères.

Les Égyptiens considéraient les chats comme des symboles de protection, notamment contre les esprits maléfiques et les envahisseurs de greniers tels que les rats et les serpents. Ce lien avec la protection en faisait un animal privilégié dans les foyers et les temples.

En outre, les chats étaient associés à la déesse Bastet, la divinité de la maison, de la fertilité et de la maternité. Elle était représentée avec un corps de femme et une tête de chat, et nombre de pèlerins lui offraient des chats noirs, témoignant de la place divine accordée à ces félins.

Les Égyptiens allaient jusqu'à momifier leurs chats à leur mort, afin de les accompagner dans l'au-delà. Ce rapport sacré avec les chats, et par extension les chats noirs, montre à quel point ces animaux étaient respectés et choyés.

1.2 De l’idolâtrie à la diabolisation : l’influence du christianisme

Malheureusement, l’âge d’or des chats noirs prit fin avec l'essor du christianisme en Europe. Au Moyen Âge, l'Église catholique a cherché à éradiquer toutes les traces de paganisme, et les chats noirs, jadis vénérés, sont devenus des symboles de malchance et de malédiction.

Le pape Grégoire IX a joué un rôle majeur dans cette transformation en publiant en 1233 une bulle papale, Vox in Rama, qui désignait le chat noir comme une incarnation terrestre du diable. À partir de ce moment, ces félins furent associés à la sorcellerie.

Cette sombre réputation s'est enracinée profondément dans la culture chrétienne, au point où ces animaux, autrefois divins, devinrent des créatures à abattre. Des milliers de chats, principalement noirs, furent brûlés lors des bûchers.

La diabolisation des chats noirs a perduré pendant des siècles, nourrissant un imaginaire collectif où ils étaient perçus comme des porteurs de malheur. Cette transition brutale, de protecteurs divins à créatures démoniaques, montre à quel point les croyances religieuses et culturelles peuvent façonner la perception d'un animal dans l’imaginaire collectif.

2. Le Moyen Âge : la naissance des mythes cruels

L'image du chat noir a radicalement changé au Moyen Âge, une époque où les superstitions dominaient la vie quotidienne et où la peur du diable dictait les comportements. C’est durant cette période que les chats noirs, autrefois respectés, sont devenus les symboles de forces obscures et malveillantes, associés à la sorcellerie et à la mort.

2.1 Le chat noir et les sorcières : un duo infernal

L'une des croyances les plus tenaces du Moyen Âge est celle qui relie les chats noirs aux sorcières. Ces femmes, souvent accusées de pactes avec le diable, étaient associées à des pratiques occultes, et le chat noir devint leur compagnon symbolique.

On prétendait que les sorcières utilisaient les chats noirs pour leurs rituels, que ces animaux leur servaient d'espions, et pire encore, qu'elles pouvaient se transformer elles-mêmes en chats pour se déplacer discrètement sous le couvert de la nuit. Cette légende est d’ailleurs possiblement à l'origine du mythe des neuf vies du chat, puisqu'on croyait que les sorcières pouvaient se réincarner en chats noirs neuf fois.

Cette association renforça l'idée que les chats noirs étaient eux-mêmes des créatures démoniaques, voués à porter malheur à quiconque croisait leur chemin. Dans l'imaginaire collectif, les chats noirs et les sorcières formèrent ainsi un duo infernal, traqué et persécuté par une population effrayée par la sorcellerie et les forces occultes.

2.2 La chasse aux sorcières et les sacrifices : une réalité effroyable

Les superstitions qui liaient les chats noirs aux sorcières atteignirent leur paroxysme durant la chasse aux sorcières, entre le 14ème et le 17ème siècle. Des milliers de femmes soupçonnées de sorcellerie furent accusées et exécutées. Leurs compagnons à quatre pattes, et en particulier les chats noirs, n’échappèrent pas à cette vague de terreur.

On les considérait comme des serviteurs du diable, des créatures maléfiques à abattre. Des récits glaçants font état de sacrifices où des chats noirs étaient brûlés vifs aux côtés de leurs supposées maîtresses sorcières. Lors de certaines fêtes, comme la Saint-Jean, des chats noirs étaient enfermés dans des sacs et jetés au bûcher pour conjurer le mauvais sort.

Ces pratiques étaient courantes dans de nombreuses régions d'Europe, notamment en France et en Belgique, où la peur de la sorcellerie était particulièrement virulente. Ces persécutions ne faisaient que renforcer les croyances populaires, ancrant encore davantage l’idée que les chats noirs portaient malheur.

Malheureusement, ces récits effroyables révèlent à quel point l’ignorance et la peur ont pu conduire à des actes de cruauté insensés, laissant une trace indélébile dans l’histoire des superstitions liées aux chats noirs.

3. Renaissance et retour en grâce du chat noir

Après des siècles de persécutions et de superstitions, la Renaissance a marqué un tournant important dans l’histoire des chats noirs. Alors que la raison et la science commençaient à prendre le pas sur les croyances obscures, les chats noirs ont peu à peu retrouvé une place plus respectée dans la société.

3.1 La fin des bûchers et la réhabilitation des chats noirs

Au 18ème siècle, avec l'essor du Siècle des Lumières, la philosophie et la science commencent à supplanter les superstitions et les dogmes religieux, entraînant un déclin significatif des sacrifices rituels de chats. Les penseurs éclairés de cette époque, tels que Voltaire et Diderot, dénoncent l’ignorance et l’obscurantisme, ce qui contribue à affaiblir les croyances superstitieuses autour des chats noirs.

Parallèlement, sous le règne de Louis XV, connu pour son affection envers les animaux, et particulièrement les chats, l'image des félins, y compris les chats noirs, s'améliore progressivement dans la société. Louis XV, qui entretenait un lien étroit avec ses animaux de compagnie, notamment des chiens et des chats, aurait encouragé une meilleure considération des animaux dans la cour. Cette évolution se reflète dans la manière dont les chats, longtemps associés à la sorcellerie et au malheur, regagnent leur place dans les foyers, non plus comme des créatures diaboliques, mais comme des compagnons fidèles et utiles.

3.2 L’arrivée du romantisme : des artistes et écrivains fascinés par les chats noirs

Le véritable retour en grâce des chats noirs est venu avec le mouvement romantique, au 19ème siècle. Les artistes, écrivains et poètes ont commencé à voir dans le chat noir une source d’inspiration, fascinés par son allure mystérieuse et élégante. Le chat noir n’était plus une créature à craindre, mais un symbole de mystère, de sensualité et de liberté.

Rodolphe Salis, fondateur du célèbre cabaret "Le Chat Noir" à Montmartre, a contribué à l’élévation culturelle de ces félins. Ce lieu, emblématique de l'effervescence artistique parisienne de la fin du 19ème siècle, a adopté le chat noir comme symbole, renforçant l’idée que ces animaux étaient désormais associés à l’art et à la culture, et non plus aux superstitions et à la sorcellerie.

D’autres figures emblématiques de la littérature, comme Edgar Allan Poe, ont également trouvé dans le chat noir une source d'inspiration. Dans sa nouvelle "Le Chat Noir", Poe explore la symbolique du félin, associant sa couleur à la perversité et à la folie, tout en jouant sur les peurs profondément enracinées dans l’inconscient collectif.

Cette fascination pour le chat noir s’est étendue au-delà de la littérature. Les peintres et illustrateurs, séduits par l’aura mystérieuse de ces animaux, les ont souvent représentés dans leurs œuvres. Le chat noir, de démon à muse artistique, a ainsi su conquérir les cœurs des créateurs, devenant un véritable symbole de l’art et de la créativité.

4. Des croyances contradictoires selon les cultures

Les superstitions entourant les chats noirs varient largement en fonction des cultures, mais une chose est certaine : elle n’a laissé personne indifférent. Alors qu’ils sont redoutés dans certaines régions, ils sont porteurs de chance et de prospérité dans d’autres parties du monde. Ces croyances divergentes montrent à quel point l’imaginaire collectif peut façonner la perception d’un même animal de manière très différente selon les contextes.

4.1 Porte-malheur en France, porte-bonheur ailleurs

En France et dans plusieurs pays d’Europe, les chats noirs sont souvent associés à la malchance. Croiser un chat noir, notamment la nuit, est perçu comme un mauvais présage. Cette superstition remonte à l’époque médiévale, lorsque ces félins étaient considérés comme des créatures diaboliques, compagnons des sorcières. Aujourd’hui encore, cette image persiste dans certaines régions, et beaucoup de personnes évitent les chats noirs par peur d'attirer le malheur.

Pourtant, ailleurs dans le monde, les chats noirs jouissent d'une réputation bien plus positive. En Angleterre, croiser un chat noir est perçu comme un signe de chance. Il est dit que si un chat noir traverse votre chemin, c’est un bon présage, et il est même conseillé de faire un vœu. En Écosse, voir un chat noir s’approcher de sa maison est un signe de prospérité à venir, un présage d’abondance pour la famille. Au Japon, les chats noirs sont également porteurs de chance. Il est courant de voir des figurines de "Maneki Neko", ces petits chats noirs qui lèvent la patte pour inviter la bonne fortune dans les foyers et les commerces.

Ces différences culturelles montrent que, malgré les préjugés en France, les chats noirs peuvent être vus comme des porte-bonheur ailleurs. Ces félins continuent de symboliser la chance, la prospérité, et même la protection dans certaines traditions, loin des images négatives qui leur sont souvent associées.

4.2 Le chat noir et ses neuf vies : mythe ou réalité ?

L'une des croyances les plus tenaces autour des chats, et particulièrement des chats noirs, est celle de leurs neuf vies. Ce mythe, profondément ancré dans l’imaginaire collectif, trouve ses racines dans plusieurs légendes, souvent liées à la sorcellerie. Selon la croyance populaire, les sorcières auraient la capacité de se réincarner en chats noirs, et pourraient le faire jusqu’à neuf fois. C’est ainsi que serait née l'idée que les chats noirs possèdent neuf vies, les rendant presque immortels aux yeux de ceux qui croient en ces récits.

Mais cette idée de neuf vies est aussi liée à la souplesse et à l’agilité des chats. Leur capacité à survivre à des chutes spectaculaires, grâce à leur réflexe de redressement, a renforcé l’idée que les chats avaient une résistance surnaturelle, comme s'ils possédaient plusieurs vies. Cette résilience étonnante, observée chez tous les chats, mais souvent associée aux chats noirs en raison de leur mystérieuse apparence, a alimenté le mythe au fil des siècles.

Bien sûr, il n’y a aucune réalité biologique à ces neuf vies. Les chats, comme tous les animaux, sont vulnérables aux dangers de leur environnement. Mais ce mythe, ancré dans les légendes médiévales et les superstitions, perdure encore aujourd’hui, ajoutant une aura de mystère à ces félins déjà entourés de croyances fascinantes.

5. L'impact des superstitions aujourd'hui : pourquoi les chats noirs souffrent encore ?

Malgré les avancées de la société et la rationalisation de nombreuses croyances anciennes, les chats noirs continuent de souffrir des stigmates liés à des superstitions qui datent du Moyen Âge. Aujourd'hui encore, ces félins font face à des discriminations qui, bien qu’ancrées dans un passé lointain, persistent dans l’imaginaire collectif et affectent leur bien-être.

5.1 Les chats noirs, victimes d'abandon et d'adoptions retardées

Les refuges pour animaux font un constat troublant : les chats noirs sont parmi les derniers à être adoptés. Des études menées aux États-Unis et en Europe montrent que les chats noirs restent deux fois plus longtemps en refuge que leurs congénères aux pelages plus clairs. Pourquoi ? Les raisons sont multiples, mais elles découlent souvent des superstitions entourant ces félins.

Certaines personnes évitent d’adopter un chat noir par crainte qu'il porte malheur. Cette croyance, bien qu'infondée, reste enracinée dans certaines cultures. De plus, le fait que les chats noirs aient des traits moins distincts sur les photos pourrait également jouer en leur défaveur. Leurs fiches d’adoption en ligne sont parfois jugées moins attrayantes, ce qui retarde encore davantage leur chance de trouver un foyer.

Paradoxalement, certains propriétaires de chats noirs les abandonnent, surtout autour de périodes comme Halloween, par peur qu’ils attirent la malchance. Ce phénomène, bien que rarissime, montre que ces superstitions persistent dans l’esprit de certaines personnes. Les chats noirs sont donc, encore aujourd'hui, victimes de ces idées reçues, malgré leur douceur et leur caractère affectueux qui n'ont rien à envier à leurs congénères.

5.2 Journées de sensibilisation et lutte contre les croyances nocives

Face à ces préjugés tenaces, des initiatives ont vu le jour pour sensibiliser le public à la cause des chats noirs. La Journée internationale des chats noirs, célébrée chaque 17 août, est l'une des principales actions visant à promouvoir l'adoption de ces animaux mal-aimés. Cette journée est l'occasion pour les refuges, les associations et les amoureux des animaux de casser les mythes et de montrer que les chats noirs ne sont en rien différents des autres félins.

Des campagnes sur les réseaux sociaux et des événements sont organisés pour mettre en lumière les avantages d’adopter un chat noir et sensibiliser à l’importance de briser ces croyances injustes. De nombreux propriétaires partagent fièrement des photos de leurs chats noirs, aidant ainsi à redorer l’image de ces félins souvent stigmatisés. Ces efforts, bien qu’encore nécessaires, portent leurs fruits, et les chats noirs commencent peu à peu à retrouver une place plus juste dans le cœur des adoptants.

Malheureusement, il reste encore un long chemin à parcourir pour que les superstitions liées aux chats noirs disparaissent totalement. Mais grâce à ces initiatives de sensibilisation, de plus en plus de gens prennent conscience que la couleur du pelage ne détermine en rien la valeur d’un chat. Il est essentiel de poursuivre cette lutte contre les croyances nocives afin de donner à ces adorables compagnons la chance qu’ils méritent d’être aimés et adoptés comme tous les autres félins.

6. Une lueur d'espoir pour la suite

Pour résumer, l’histoire des chats noirs est marquée par des croyances contradictoires, allant de la vénération dans l’Antiquité à leur diabolisation au Moyen Âge. Leur association avec les sorcières et les superstitions de malchance a laissé des traces profondes dans l'imaginaire collectif. Bien que ces idées paraissent absurdes aujourd'hui, elles continuent d'affecter le sort de ces félins, victimes d'abandons et d’adoptions retardées dans les refuges.

Cependant, de nombreuses initiatives, comme la Journée internationale des chats noirs, contribuent à sensibiliser le public et à réhabiliter l’image de ces animaux. Adopter un chat noir devient alors bien plus qu’un simple geste d’adoption : c'est un acte militant, une prise de position contre les préjugés injustes. Les propriétaires qui choisissent délibérément d’adopter un chat noir démontrent une force de caractère, en défendant non seulement le bien-être de leur compagnon, mais aussi en luttant activement contre les stigmates encore liés à sa couleur. Ce geste est une véritable preuve d'engagement en faveur de l’égalité et du bonheur de tous les chats, quels que soient leurs pelages.

Bien que les chats noirs n’ont jamais porté malheur aux humains, nos croyances anciennes et actuelles ont été une véritable malédiction pour eux. Pour tenter de mettre fin à ce fléau, certains sites, comme secondechance.org permettent de mettre en avant les chats et chiens noirs à adopter pour leur trouver un foyer chaleureux et aimant.

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